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L’étranger
25 avril 2006

brasserie devant restaurant gigi

Mais cet après-midi, il ne faisait même pas d’efforts pour me convaincre qu’il avait encore besoin de moi. De ma peau, de mes rappels, de mes visites, de mon argent, de mes oreilles. De la garantie de ma présence. La douceur manquait à ses yeux. La douceur protectrice, animalesque d’avant. La douceur bête et infantile de quand on rêve ensemble. Des rêves différents, c’est clair, mais avec les mêmes personnages. Le même but. Je le regarde et je m’aperçois que la plupart de ses fringues viennent de moi. Sauf ses bottes et les lunettes de soleil. Je me suis rendu compte comme les limites changent avec l’augmentation de la peur de tout perdre. On apprend à se taire si on veut que la douceur ne devienne pas trop amère. On apprend à se violenter pour éviter des changements, des signes que tout n’est pas bien. Qu’il commence à s’éloigner, à cogiter des alternatives, à imaginer mon absence. On apprend à se diminuer pour qu’il puisse se sentir libre, propriétaire de la situation. On apprend à s’aveugler, à ne rien penser, à trop penser, à mourir un peu, pour pas mourir totalement. On apprend à accepter le rôle des mensonges dans des situations de cœur, de dépendance. On apprend même à être content d’être malheureux. Et, au moins, de n’être pas seul, sans baiser, sans attendre. Quand on rentre dans une brasserie pour demander des formules chères qui arrivent toujours avant qu’on s’ennuie, je pense : il est possible que je me trompe. Il est possible qu’il ne s’agisse pas des irréversibilités de la fin, mais des changements normaux des rapports qui résistent au temps. Peut-être que c’est comme des cauchemars où on tue quelqu’un, ou l’écrase, où on est nu et humilié, et on nous demande dans le cauchemar si c’est un cauchemar, et on trouve que non. Et après, on se rend compte que oui. Et qu’on croit tout ce qu’on se dit si on a vraiment besoin de le faire. Et qu’on est trop bon en trouvant des façons de tergiverser l’inévitable, la défaite. Après le repas on prend le métro. On fait un tour. Il écoute son iPod. Mon iPod. Il m’appelle par mon nom. Pas « chéri » ou « coco » comme avant. Ou « ma puce » comme tout à l’heure. Il m’appelle par mon nom. Mon nom de mec. Ce qui rend ces rapports même plus grotesques. Comme s’il ne savait pas qu’il s’agit de deux bites. Qu’il s’agit d’une blague, d’une histoire, d’un mensonge. D’une fantaisie névrotique. Qu’il s’agit de mes stratégies de garçon perdu, et bien gâté. Et sans aucune autres options, comme lui. Sauf que criminel, et lâche, parce que conscient. Conscient du mal qui se développe, qui s’accumule. Conscient de la chute qui vient bientôt. Conscient du jeu. Du mécanisme. Et encore muet. Stratégiquement désarmé.
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L’étranger
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