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L’étranger
14 mars 2006

avant qu'ils partent

Il est difficile de commencer la journée à Paris, ou n’importe où loin de chez moi, quand la vraie raison d’être des heures est le fait que j’attends quelqu’un. J’attends quelqu’un. Un homme qui va sortir de moi, un homme qui va entrer mon soi, un homme qui va rentrer par ces escaliers bruyants, pas parce qu’elles sont cassées, mais parce qu’elles sont en bois. En vrai bois. De bon vieux bois en planches bien serrées. Et parce qu’elles annoncent des arrivés et j’y fais attention. J’attends cet homme aisément musclé, dangereusement poilu, comme Annie Erneaux attendait son Russe dans « Passion Simple» : sans la capacité de regarder rien d’autre. Sans savoir si on se rase, si on se douche, si on se branle, si on prend un café maintenant ou après le déjeuner. Si on essaye de faire quelque chose de fertile, d’admirable. Si on cède, si on renonce, si on fond. Ou si on reste au lit pendant quelques heures de plus à se divertir avec des mémoires d’hier soir. De tous les soirs où on n’a pas souffert. Où on n’a pas souffert. Parce qu’il était là, il rendait le mensonge trop vrai, trop engourdi, trop beau, pour qu’il s’effondre. Mais il faut bouger. Pour semer les possibilités de cette passion. Pour se convaincre que lui, il m’attend aussi. Il a aussi besoin. Il doit en avoir. Donc je change de slip, je regarde mes cuisses au miroir. Une maison salle mais avec un très grand miroir. Je les trouve bien. En transition. De bons secrets pour quand on jette ces protections d’hiver maladroites par terre. Je danse devant ce miroir sans musique. Et sans penser a une chanson en particulier. Peut-être que je murmure des paroles incompréhensibles, des bruits que font des femmes Américaines à la radio. Des bruits blonds que les hommes aiment bien. Que les hommes, tous les hommes, aiment bien. J’ai peur de l’amour parce qu’on ne fait rien pour le mériter. Il ne s’agit pas de quelque chose qu’on mérite, qu’on rapporte. L’amour est gratuit. Démocratique. Sans loi. Donc si quelque chose d’horrible arrive avec ce qu’il provoque, on n’a pas le droit de se plaindre. On n’a pas de droits.
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Commentaires
M
je ne suis pas d'accord avec toi, DiegoCosta, l'amour vrai n'est quelque chose que l'on obtient comme cela, le vrai amour c'est une lutte contre soi, pour être à la hauteur, une lutte de l'autre, pour être à la hauteur, c'est le fruit d'un travail mené seul et à deux. C'est la seule façon pour que l'amour existe réellement, la seule façon pour que l'on y est droit, que ça devienne un dû. Sinon l'amour n'existe pas, juste le phantasme. Et la réalité, quand elle rattrape les phantasmes n'est pas tendre...
L’étranger
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